1590 : la Bataille de la Menoge

Les archives sont un ensemble des documents concernant le passé d’une collectivité, d’une famille ou d’un individu qui porte intérêt à qui apprécie l’histoire. Ainsi, nous retrouvons dans un magazine municipal « Les pages de Vétraz » de 1998, un article rédigé par un conseiller municipal Jean-Marc Novel relatant un passage d’histoire de notre commune. Nous le reprenons aujourd’hui. Cet habitant du quartier de Collonges appréciant les bords de la Menoge écrit :
Un promeneur attentionné des choses de la nature se double souvent d’un amateur de vieilles pierres, et se prend à rêver à la mémoire d’humbles vestiges, dont l’étude nous mène parfois de surprises en révélation. La découverte inopinée, aux “Puces“ de Plainpalais d’un bouquin “à une tune’’, a enrichi la vision et le plaisir que je prends à longer les bords de la Menoge.

Retour des Vendanges de Bonne le 18 septembre 1590
auteur : Joseph Hornung / datation : 1869
dimensions : hauteur 32,50 cm, largeur 25 cm
encadrement, montage : hauteur 64,50 cm, largeur 42 cm
matériaux : Huile sur panneau
– MAH Musée d’art et d’histoire, Ville de Genève

Le 17 septembre 1590, soit douze ans avant l’escalade qui mit un terme aux “Guerre de Genève’’, cité qui subissait alors un terrible blocus de la part des Savoyards, notre commune fut le théâtre d’un événement mémorable, bien connu des
historiens sous l’appellation de “Vendanges de Bonne’’.
Ce titre poétique désigne en fait, une sanglante bataille qui se déroula sur la rive vétrazienne de la Menoge.

Ce combat est mentionné dans de nombreux ouvrages traitant de cette période-clé pour Genève, au terme de laquelle celle-ci put enfin se développer et devenir l’importante capitale intellectuelle et économique que nous connaissons aujourd’hui.

 

Les lieux

La commune comportait alors deux passages importants sur la Menoge :

  • le premier au confluent de l’Arve,
  • le second en lieu et place de l’actuel Pont d’Arthaz, qui
    correspond, en gros, au tracé d’une voie romaine, dont on retrouve les traces sur le plateau d’Arthaz (les pêcheurs connaissent bien les bancs rocheux situés sous le pont, sur lesquels venaient sans doute s’appuyer quelques “planches’’).
    Jusqu’à la parution, en 1940, du petit fascicule “Les vendanges de Bonne’’, (publié à l’occasion du 350ème anniversaire de l’événement par la Compagnie de 1620, à Genève), la localisation du combat reste imprécise ; les textes parlent de Boringes, du confluent de l’Arve, et même plus tardivement des bois épais de Ville-la-Grand ! Sans doute par méconnaissance des lieux.

Son auteur, J-F Rouiller, mettra un terme à ces suppositions en effectuant des recherches sur le terrain. C’est la citation d’un moulin “dit’’de Trébille ou Turbillet, revenant fréquemment dans les divers récits, qui permit à l’auteur de situer de façon précise le lieu de la rencontre.

Celui-ci demanda à un de ses amis qui se rendait dans la région en 1940 de se renseigner : “Il me rapporta avoir entendu une vieille paysanne lui affirmer que, dans son jeune temps, on appelait Tréboillet ou Trèboillère les habitants de ladite maisure’’.

Ce moulin, aujourd’hui disparu, se situait à une cinquantaine de mètres en amont du pont, côté Vétraz, les soubassements s’avançant dans le lit de la rivière en sont encore aisément visibles du haut du pont.

Aujourd’hui, aucun doute n’est permis et, comme le suggère Rouiller lui-même, le nom récent de “Vendanges de Bonne’’ semble impropre. Il serait préférable de conserver l’ancienne dénomination du registre genevois : “Bataille près deMonthoux et de Menoge’’ ou en tout cas “Bataille de la Menoge’’ pour ne pas confondre avec d’autres batailles de Monthoux !
(Citation).

Confluence de l'Arve et de la Menoge

Les événements

En ce matin du 17 septembre 1590, un lourd et pittoresque convoi, formé de soldats et de chariots couverts de tonneaux, s’ébranle des portes de Genève en direction de Bonne-sur-Menoge. Les Genevois ont décidé d’aller vendanger aux environs de Nangy-Loëx. L’entreprise semble risquée, mais la surveillance savoyarde semble se relâcher, et fort de tentatives similaires récentes, couvertes de succès en Pays de Gex et à Jussy, d’où de superbes récoltes furent rapportées, c’est le cœur léger que l’on s’embarque dans cette nouvelle expédition.

La troupe est sous les ordres du baron de Conforgien, célèbre et fougueux chef militaire (prêté par Henri IV) “vir bello expertus’’ qui, par cette victoire, effacera l’échec récent d’une attaque navale d’Evian organisée le soir même de son arrivée à Genève, quelques semaines auparavant, le 23 août ! Cependant, averti la veille par un espion, le baron d’Hermance, lieutenant du Duc de Savoie en Chablais et Faucigny, se hâte de regrouper les garnisons de Langin, des Allinges, de Coudrée et de Brens afin de monter une embuscade.

Pour les Genevois, l’aller se passe sans encombre. Pendant la vendange, le baron d’Hermance, sûr de la victoire et tablant sur l’effet de surprise, se fait fort de placer ses hommes à couvert, dans les haies, à la tête des chemins, sur les hauteurs de la Menoge, dans les vignes, le moulin et même au confluent de l’Arve, au cas où des Genevois s’échapperaient à la nage. Les chiffres retenus par Rouiller parmi plusieurs évaluations, au gré des partis, sont de 80 cavaliers et 300 hommes de pieds. Les garnisons de Bonne et Bonneville se tiennent prêtes en cas de repli.

Les vendanges ont pris fin et, arrivant vers la Menoge, le baron de Conforgien est averti de la présence ennemie alentours. Sans s’émouvoir, il rassemble et encourage sa troupe, dit une prière et, ayant reconnu les lieux, donne le signal de l’attaque qui dura trois heures. Les Savoyards, sûrs de l’issue du combat, ne portaient pas de casques ; “les capitaines portoyent les mandils de velours sans cuirasses, comme s’ils fussent allés à noces’’ (Goulard, Anna les Genevoises). Les Genevois se montrèrent vaillants, Conforgien eut son cheval tué sous lui. Un chef arquebusier, ayant cassé la poignée de son épée dans le corps d’un ennemi, continua de se battre avec la seule lame en main et fit encore plusieurs victimes. Tel autre reprend son cheval, perdu dans une précédente bataille. Le moulin, sans doute tenu par des arquebusiers, fut repris par le toit, défoncé par un esclave turc, qui, sautant à l’intérieur, fit diversion et permit de s’en emparer. Les anecdotes ne manquent pas pour décrire la férocité du combat qui fit 11 morts et 15 blessés genevois et 300 tués
savoyards. Le retour, à 19 heures, Porte de Rive, fut triomphal. Les héros étaient chargés, en plus de la vendange intacte, d’un butin considérable en armes, et vêtus des luxueux casques de velours brodés d’or et d’argent pris à l’ennemi.

Au cours de ces années, notre commune, alors couverte de vignobles, formée de deux paroisses distinctes : Vétraz et Monthoux, position stratégique entre Genevois et Faucigny, changea plusieurs fois de main. Tantôt sous le sceau des Genevois, tantôt sous celui des Savoyards, notre souvenir historique ne représente ni victoire ni défaite, mais prétexte à rêver aux temps héroïques et chevaleresques.

Le Pont de la Menoge

L’actuelle Route Nationale 205 traverse le département de la Haute-Savoie d’Ouest en Est, de la frontière Suisse (entre les agglomérations de Genève et d’Annemasse) au tunnel du Mont-Blanc. Peu après la ville
d’Annemasse, elle franchit la rivière de la Menoge, à la limite des communes de Vétraz-Monthoux et Arthaz-Pont-Notre-Dame, par un ouvrage imposant édifié sur deux étages, appelé tout simplement pont de la Menoge.
Un document, établi en 2003 par la cellule Ouvrage d’Art de la direction départementale de la Haute-Savoie, présente l’ouvrage, en adresse un historique sommaire et décrit les travaux de réhabilitation envisagés. 

 

Description sommaire de l’ouvrage

Le pont est constitué de 2 ouvrages en maçonnerie superposés, construits à des époques différentes.
L’ouvrage inférieur, datant de 1770, comporte une voûte plein cintre de 20,40 m d’ouverture pour une largeur de 5,75 m.
L’ouvrage supérieur date de 1850. Il se compose de 3 voûtes plein cintre de 16,00 m d’ouverture pour une largeur d’environ 6.00 m, encadrées par deux pilastres massifs de section carrée (12 m x 12 m), pour une longueur totale de 86,00 m. Il est prolongé par des murs de soutènement de grandes longueurs et un petit ouvrage de desserte locale en rive droite de 3,50 m d’ouverture appelé pont des Bossules. Cet ouvrage supérieur est allégé de part et d’autre de la voûte centrale par trois compartiments longitudinaux constitués par quatre murs fermés par des dalles en grès supportant le remblai technique sous chaussée.
La brèche franchie présente une hauteur de 24,00 m. Au droit de l’ouvrage, la chaussée a une largeur roulable de 5,60 m. Elle est bordée à l’aval par un passage de service de 0,90 m et à l’amont par un bute-roues de 0,50 m, avec garde-corps métalliques.

 

Historique sommaire de la vie de l’ouvrage

L’idée de construire un pont en pierre pour franchir la Menoge près des moulins sis au lieu-dit Torbille ou Trébille entre Vétraz et Arthaz en vue « d’assurer la sûreté du commerce de la province du Faucigny avec celle du Genevois et garantir le passage car comme est évoqué dès 1757 … huit à dix personnes au moins s’y noyent chaque année ». Un premier projet fut établi par l’ingénieur Capelini, mais sans suite.